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Pourquoi la chirurgie ambulatoire pose la question de la capacité en lits d’hospitalisation

Pourquoi la chirurgie ambulatoire pose la question de la capacité en lits d’hospitalisation

 

Dans sa déclaration de politique générale faite le 9  avril 2014, Manuel Valls, Premier Ministre du gouvernement de la France, a fixé un objectif de réduction de la dépense publique de 50 milliards de 2015 à 2017. Au rang des premiers concernés, 10 milliards devront provenir de la Sécurité Sociale.

Il n’a pas fallu longtemps pour que le secteur de l’hospitalisation réagisse, par la voix de ses deux principales fédérations : la Fédération Hospitalière de France (pour les établissements publics) et la Fédération Hospitalière Privée pour sa branche MCO (Médecine Chirurgie Obstétrique pour les établissements à but lucratif).

Point d’accord entre tous : la prise en charge des séjours hospitaliers doit se faire en chirurgie ambulatoire. C’est une donnée extrêmement connue et que résume ainsi la Haute Autorité de Santé (HAS) [1] : « Pour l’ensemble de la chirurgie, [le taux de chirurgie ambulatoire] était seulement de 36 % en France, alors qu’il dépassait les 50 % en Europe du Nord ». Et de décrire la chirurgie ambulatoire comme « une chirurgie  programmée et réalisée dans les conditions techniques nécessitant impérativement la sécurité d’un bloc opératoire, sous une anesthésie de mode variable, suivie d’une surveillance postopératoire permettant, sans risque majoré, la sortie du patient le jour même de son intervention ».

 

Le propos de ce post n’est pas de décrire tous les éléments nécessaires à ce développement, la littérature – tant politique et technique – étant abondante à ce sujet.  Comme le souligne la définition ci-dessus, une organisation axée sur la chirurgie ambulatoire sous-entend que le patient « ne passe pas » de nuit à l’hôpital (ce dernier étant indifféremment public ou privé). Il s’agit plutôt de voir en quoi la chirurgie ambulatoire pose directement la question du calibrage des lits d’hospitalisation.

 

Territoire que nous connaissons le mieux, nous continuerons de prendre l’exemple de la France. Et proposons de faire un premier tour d’horizon desdites capacités en lits hospitaliers. Pour cela, nous recourrons souvent et volontiers à une base de données extrêmement riche et intéressante (et tout autant décriée par les professionnels et les établissements eux-mêmes …) : il s’agit de la Statistique Annuelle des Etablissements de Santé (SAE) [2] . Existant depuis plus de 30 ans, cette enquête administrative est réalisée chaque année. Son intérêt réside dans le fait qu’elle est exhaustive et obligatoire : toute structure hospitalière qui détient au moins une autorisation d’activité DOIT remplir les multiples questionnaires de ce recueil. Par exemple, pour l’année 2012, ce sont les résultats de quelques 4 069 établissements qui sont consultables librement sur internet[3].

 

Revenons aux capacités en lits. Car la SAE permet d’identifier la typologie des lits hospitaliers (hospitalisation complète vs. places en anesthésie et chirurgie ambulatoire).

En termes d’organisation, les capacités en hospitalisation complète ont un fonctionnement H24/24, le plus souvent 7j/7. La particularité des places en ambulatoire réside dans le fait que ces services ne sont ouverts qu’une partie de la journée (de l’ouverture du bloc opératoire jusqu’au retour des derniers patients de salle de réveil, en général en milieu d’après-midi). Ces structures sont donc fermées la nuit, et très souvent le week-end.

C’est ce fonctionnement qui est recherché, car les caractéristiques d’ouverture appellent directement l’encadrement médical et soignant. En d’autres termes, si un lit est ouvert, il ne peut l’être qu’à condition que du personnel soit présent et en situation de gestion et de surveillance des patients qui y sont accueillis.

Notre analyse se fera « « en entonnoir », des considérations les plus globales, puis en zoomant sur des niveaux de détail plus précis.

 

Le schéma ci-contre montre l’évolution du nombre de lits d’hospitalisation en court séjour (dans les spécialités médecine / chirurgie / obstétrique) en regard de celui des places de chirurgie ambulatoire. En 2012, plus de 216 000 lits complets ont été déclarés, quand un peu moins de 15 000 places de chirurgie ambulatoires l’étaient. Une décrue progressive est constaté pour les premiers (- 10 446 lits, soit – 4,6 % de ce type de capacités en 9 ans). Cette diminution est considérable : elle équivaut, par exemple, à plus que les capacités actuelles d’une région entière telle que Midi-Pyrénées (9 076 lits de court séjour en 2012).

 

Intéressons-nous maintenant de plus près aux périmètres de la chirurgie.

L'histogramme montre une diminution globale du nombre de capacités, résultat d’une baisse sensible sur les lits d’hospitalisation complète de chirurgie (- 13 204, soit -14,4 %) au profit des places de chirurgie ambulatoire (+ 5 881, soit + 65,1%). 

Si en 2004, le parc de places de chirurgie ambulatoire représentait 9,0% des capacités totales de chirurgie, en 2012, ce taux atteignait 16,0 %.

Tant sur les capacités que sur la part de la chirurgie ambulatoire, les évolutions des 9 dernières années semblent marquer des tendances à la progression retenue mais véritablement de fond.

Un biais existe aujourd’hui, qui complique la mise en place de la chirurgie ambulatoire : si la part de ce type de prise en charge est en régulière augmentation, l’accueil de ces patients ne se fait pas toujours dans des unités organisées comme telles. Par exemple, si un service dispose de 40 lits d’hospitalisation complète de chirurgie orthopédique et de 10  places de chirurgie ambulatoire, s’il prend en charge 20 patients en chirurgie ambulatoire, il est possible que certains d’entre eux soient, en réalité, pris en charge dans la partie « hospitalisation complète ». Le terme d’ « ambulatoire » forain est parfois utilisé dans ce cas. Ce phénomène diminue le potentiel économique de cette organisation. Le principe médico-économique est en effet optimal quand chaque patient est pris en charge à l’endroit correspondant à son niveau de soins.

L’analyse des durées moyennes de séjour et le calibrage des ressources humaines sont les étapes prochaines de ces analyses, avec les principes constants d’une qualité des soins garanties et d’une optimisation des plateaux et des ressources hospitalières.

Nathalie L’Hostis

Post déposé le 11 avril 2014

 

[1] HAS, ANAP « La chirurgie ambulatoire en 12 questions”, avril 2012 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-04/la_chirurgie_ambulatoire_en_12_questions.pdf

[2]  "source : SAE données administratives - ministère chargé de la santé, DREES", millésimes de 2004 à 2012

[3] http://www.sae-diffusion.sante.gouv.fr/