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Au moment du naufrage et de l'obscurité, quelqu'un te sauvera, pour s'en aller chanter

Texte proposé par Ana Caldeiro, le 28 mars 2020,

en espagnol (ci-dessous) puis traduit en français par nos soins

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Un pays de rues désertes

 

C'est le huitième jour de notre quarantaine. Nous essayons de conserver une routine: le ménage, les repas, les enfants et leurs tâches/travaux, notre travail à distance. Nous nous imposons mille et une occupations qui renforcent l'illusion que rien n'a changé. Mais ce qui est sûr, c'est que tout a changé et de ce fait, le désarroi nous gagne par moments. Nous désordonnons notre sommeil, nous déformons nos horaires. Le petit matin nous surprend sans pouvoir fermer les yeux, pensant, peut-être, à ce que nous aurons perdu à la fin de tout cela.

Au milieu de la confusion, des petites choses nous soutiennent. Chaque soir, à neuf heures, nous ouvrons les fenêtres et applaudissons ceux qui sortent de chez eux pour les activités essentielles. Ceux qui risquent tout pour faire attention aux autres, pour maintenir les services basiques dans un pays aux rues désertes. C'est un moment de communion, d'union, en dépit des murs qui nous séparent. Quelquefois, nous attendons l'heure exacte, suspendus à l'horloge. D'autres fois, c'est le bruit des applaudissements qui nous surprend et nous convoque, nous courons aux fenêtres pour nous unir à ce chant fait de coups. Nous nous montrons à la nuit tombée, et nous entendons les autres. Leurs mains et leurs voix traversent l'obscurité, s'unissent aux nôtres et nous donnent de la force. Force pour rester, ou force pour sortir, selon les cas. Pour faire les courses d'un voisin ou nettoyer pour lui son palier. Pour appeler un ami, pour prodiguer des encouragements. Pour écouter et accompagner ceux qui en ont besoin, de quelque manière que ce soit, dans cette distance douloureuse mais nécessaire, faites de pixels et de sons électriques.

Ce soir, les habituels applaudissements s’uniront aux paroles d'une vieille chanson argentine, qui parle de résistance : « Como la cigarra », comme la cigale. En ces jours, chaque mot et chaque phrase que nous apportent la littérature ou la musique paraissent recevoir une nouvelle force et une nouvelle signification. Comment ne pas être d'accord avec cela : « y a la hora del naufragio y de la oscuridad / alguien te rescatará / para ir cantando » (« et au moment du naufrage et de l'obscurité / quelqu'un te sauvera / pour s'en aller chanter »).

Nous ne pouvons choisir les coups que nous donne le destin. Nous pouvons choisir, en revanche, ce que nous sommes quand cela arrive. Ça sera notre opportunité d'être honnêtes et forts. De choisir de tendre la main à l'autre, pour résister, pour s'en aller chanter.

 

Un país de calles desiertas

Es el día ocho de nuestra cuarentena. Intentamos mantener una rutina: la limpieza, la comida, los niños y sus tareas, nuestro trabajo a distancia. Nos imponemos una y mil ocupaciones que refuerzan la ilusión de que nada ha cambiado. Pero lo cierto es que todo ha cambiado y por eso, por momentos, nos gana el desconcierto. Desordenamos nuestro sueño, deformamos nuestras horas. La madrugada nos sorprende sin poder cerrar los ojos, pensando, quizás, en lo que habremos perdido al final de todo esto.

En medio del desconcierto, pequeñas cosas nos sostienen. Cada noche, a las nueve, abrimos las ventanas y aplaudimos a quienes sí salen de casa para las actividades esenciales. Los que arriesgan todo para cuidar a otros, para mantener los servicios básicos en un país de calles desiertas. Es un momento de comunión, de unión a pesar de las paredes que nos separan. A veces esperamos el minuto exacto, pendientes del reloj. Otras, es el sonido de los aplausos el que nos sorprende y nos convoca, y corremos a las ventanas para unirnos a ese canto hecho de golpes. Asomamos a la noche templada y oímos también a los otros. Sus manos y sus voces atraviesan la oscuridad, se unen a las nuestras, nos dan fuerza. Fuerza para quedarnos, o para salir si es lo que nos toca. Para hacer la compra de un vecino o limpiar por él su umbral. Para llamar a un amigo, para dar palabras de aliento. Para escuchar y acompañar a quien lo necesite, de la forma en que podemos, en esta distancia dolorosa pero necesaria, hecha de píxeles y sonidos eléctricos.

Anoche, al habitual aplauso se unieron los versos de una vieja canción argentina que habla de resistir: “Como la cigarra”. En estos días, cada palabra y cada frase que nos traen la literatura o la música parecen cobrar nueva fuerza y significado. Cómo no acordar con estas: “y a la hora del naufragio y de la oscuridad / alguien te rescatará / para ir cantando”.

No podemos elegir los golpes que nos da el destino. Podemos elegir, en cambio, quiénes somos cuando eso pasa. Será esta nuestra oportunidad de ser honestos y fuertes. De elegir tender una mano al otro, para resistir, para ir cantando.

 

 

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